lundi 17 août 2009

collège de Médéa en 1929 ou 1930.


Mohamed Ben Cheneb


C'est Mohamed Ben Cheneb dont le nom a été donné au collège de Médéa en 1929 ou 1930.

Ce collège devint lycée beaucoup plus tard, vers 1940 et fut le seul lycée de tout le Titteri français.

Ce Lemdani véritable est né en octobre1869 dans une famille de propriétaires fonciers aisés de la région. Il fut sûrement un bon élève à l'école primaire, puis au tout nouveau collège de Médéa. Il présenta le concours d'entrée à l'école normale d'Alger dans la section indigène et fut reçu..

En 1886

il entre à l'école normale d'Alger, à 17 ans : c'est assez jeune pour quelqu'un qui n'a pas le Français comme langue maternelle

En 1888

il est nommé instituteur dans une école du bled près de Médéa.
Comme la classe normale, destinée à parfaire la formation destinée aux musulmans existait déjà je trouve cette formation de 2 ans seulement bien courte. Est-ce une erreur de date ou la reconnaissance de mérites au-dessus du commun ? je l'ignore.

En 1892

il est nommé à Alger. C'est cette fois-ci une nomination en ville si rapide qu'elle suppose effectivement des mérites hors du commun. Cela lui permet de fréquenter ce qui va devenir 10 ans plus tard l'université d'Alger. Il suit d'abord les cours alors dispensés sur les " Lettres arabes ", mais il s'intéresse aussi à d'autres langues et au droit musulman

En 1898

il est nommé professeur d'Arabe et de Fiqh (droit musulman) à la Médersa de Constantine

En 1901

il est nommé professeur à la Médersa Et Thalabiya d'Alger ; il y enseignera 23 ans

En 1908

il est nommé conférencier à la Faculté de Lettres de l'Université

En 1920

il soutient avec succès une thèse de doctorat ès-lettres sur un poète abasside, avec comme thèse annexe des considérations linguistiques sur les emprunts de l'arabe algérien aux lexiques turc et persan

En 1924

il est le premier professeur musulman nommé à l'Université d'Alger. La même année il est élu membre de l'Académie des Sciences Coloniales de Paris

En 1929

il meurt de maladie le 5 février

mardi 11 août 2009

La tribu des Ouled Antar du Titteri


La tribu des Ouled Antar du Titteri

Toujours dans la même série voici les Ouled Antar :
« Les Ouled dépendaient autrefois du bey d'Oran, quoiqu'ils ne soient qu'à 12 lieues au sud de Médéah, touchent aux beni Hassan. Cette tribu habite un pays difficile, sur les versants nord des montagnes qui forment la seconde chaîne de l'Atlas et séparent le Tell du Sahel ; leur territoire à 24 lieues varrées ; sa population, qui ne dépasse pas 250 hommes en état de porter les armes, et 500 femmes, enfants et vieillards, a toujours été remuante et indocile. Pendant la domination turque, c'était le chef de la puissante tribu des Ouled Aïad, au sud de Thenïet el-Ahd, qui était chargé ; au nom du bey de la province d'Oran, de maintenir les Ouled Antar dans le devoir, et leur faire payer les redevances. Ils ont 120 gourbis établis dans les parties les moins accessibles de leur territoire ; ils cultivent les céréales de manière à suffire à leur consommation, possèdent quelques jardins, et récoltent des fruits et des légumes. Ils ont un marché le jeudi.

Ouled Douaba,
Ouled Abéïd,
El-Mâziz,
El-Dahbich,
Ouled Séil,
Ahl el-Guessa,
Ouled Zekri,
Zïatin,
Ouled Sy Ali, Marabouts
El-Bahadja, Marabouts.

Les Ouled Antar ont la prétention, un peu hasardée, d'être les descendants d'Antar, le héros d'un des plus célèbre poème arabe ; toute la fable du poème, jusque dans ses moindres détails, est à l'état de tradition parmi eux, et ils ont adapté chaque événement aux localités qu'ils habitent. Ils montrent les champs de bataille de leur héros, et racontent qu'il fut tué au dernier gué du Chélif, que l'on traverse pour pénétrer dans l'Ouamri. Quoique montagnards, les Ouled Antar repoussent la qualification de Kabyles.
La ferme de Boghar, qui a été transformée par Mohammed el-Berkani en un établissement militaire est située sur leur territoire. Ce poste contenait des magasins, une manutention, des fours et des casernes pour quelques centaines d'hommes ; il était armé de canons, sans être fermé par des murailles. On voit à proximité de ces établissements une très belle forêt de chênes et de pins qui fourni des bois de constructions.
Lorsque les troupes françaises ont pris possession de ce point, on y a trouvé de grands approvisionnements de chaux. Un petit village arabe s'était formé auprès de la fontaine de Boghar, non loin des bâtiment militaires....Une route directe, à travers le pays des beni Hassan et des Haouara, conduit en 8 heures de Boghar à Médéah ; la distance est de 12 lieues, mais continuellement dans les montagnes et à travers les bois. L'établissement de ce poste a forcé les Oued Antar à la tranquillité...Abd el-Kader avait fait creuser à Boghar de vastes silos dans lesquels les tribus déposaient les grains de l'achour ; il y trouvait des approvisionnements faciles pour les expéditions dirigées contre les tribus nomades. »

La tribu des Righa du Titteri


La tribu des Righa du Titteri

« Les Righa sont au sud-ouest de Médéah, à 4 lieues ; ils habitent un pays très accidenté et bien arrosé ; leurs montagnes sont couvertes de beaux bois. La superficie de ce territoire est de 12 lieues carrées. La population compte 500 hommes en état de porter les armes, et 1000 femmes, enfants et vieillards ; elle possède 250 gourbis. Moins industrieux que les Kabyles de la première chaîne de l'Atlas, les Righa ont avec eux beaucoup de points de ressemblance ; leur pays est renommé pour les belles chasses aux sanglier que les beys turcs y faisaient. Le marché se tient le dimanche. Voici les fractions de la tribu :

Ouled Messaoud,
El-Afaïr,
Ouled bou Haddi,
Ouled Aïssa,
Senhadja,
El-Ouata.

On ne signale pas de fractions spécialement occupées par des marabouts, ni chez les Righa, ni chez les Ouamri, ni chez les Ouzra....

lundi 10 août 2009

le regard par jean richepin


Le regard

par

Jean Richepin

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Devant cette porte close, l'aliéniste avait passé d'un pas plus rapide, et en détournant la tête d'un air distrait comme s'il pensait fortement à autre chose. Mais je ne m'y étais pas trompé : à la brusque décision de son mouvement, j'avais compris qu'il ne voulait pas me parler de celui-là. Aussi lui dis-je :
- Et celui-là, il n'est donc pas intéressant ?

Il me répondit, embarrassé :
- Non, pas très. Un cas banal ! Délire des grandeurs. Paralysie générale à la seconde période. Rien de particulièrement curieux !

Son embarras suait le mensonge. Je n'en mis que plus d'insistance à manifester mon vif désir de voir ce fou.
- Soit ! fit alors l'aliéniste. Mais contentez-vous de le voir seulement, sans entrer dans sa chambre. Il a, en effet, des accès de vésanie furieuse et soudaine pendant lesquels il est dangereux.

Et, avec le moins de bruit possible, il ouvrit le judas percé dans la porte.

L'homme était debout, immobile, les bras ouverts, les doigts écartés, dans une pose d'extase. Je le voyais de dos seulement ; mais, à la rigidité de tout son corps, je devinais cette extase, et j'imaginais ses yeux en contemplation fixe devant un point où l'attention de son être entier se concentrait. C'était le point le plus noir du coin le plus obscur de la chambre. Et, pourtant, ma contemplation fixe s'y étant attachée aussi, ce point noir me parut bientôt vaguement lumineux, comme si le regard du fou s'y reflétait. J'en fis, tout bas, l'observation à l'aliéniste.

Ma voix, quoique chuchotante, avait réveillé l'extatique de son extase. Il se tourna vers nous. Il avait une belle tête, douce et noble, un front haut de penseur, une bouche sinueuse d'homme éloquent, des yeux ardents de poète. Il ne semblait pas du tout exalté par la démence, mais caressé par le rêve. Il attirait l'amitié. C'est avec tristesse, et non avec colère, qu'il murmura, en regardant l'aliéniste : - Quand me rendrez-vous ce que vous m'avez pris, voleur ?

D'un coup sec et irrité, l'aliéniste referma le judas. Puis il m'entraîna dans le couloir, en disant, sur un ton dégagé :
- Le délire de la persécution est toujours concomitant au délire des grandeurs. Un cas banal, je vous le répète ! Paralysie générale à la seconde période !
- C'est drôle, répliquai-je, il m'intéresse, moi, ce cas banal. Est-ce à cause du visage de l'homme, qui m'est extrêmement sympathique ? Sans doute ! Mais j'aimerais à connaître l'histoire de ce fou. Pourquoi ne voulez-vous pas me la dire ? Pourquoi ?
- Oh ! fit l'aliéniste, si vous y tenez à ce point, je vous la dirai. Je n'ai aucune raison de ne pas vous la dire.

Il mentait encore. Je sentais fort bien qu'il cédait à la méfiance presque menaçante de ma demande et qu'il lui était très désagréable, en somme, d'y céder. Aussi est-ce d'une façon maussade qu'il me conta l'histoire, debout dans son bureau, sans même m'avoir invité à m'asseoir pour l'entendre. Il avait, visiblement, grande hâte de s'en débarrasser.

Telle qu'il me l'a dit, cependant, cette histoire ne laissa pas de me paraître passionnante. La démence de l'homme, en effet, s'était manifestée par l'emprise d'un regard. Un jour, chez un marchand d'antiquailles, l'homme avait acheté un portrait du siècle dernier, portrait d'un capitaine marin, et sa folie était née du regard de ce portrait. Dans les yeux d'où émanait ce regard, les lignes formées par les circonférences concentriques de la prunelle et de la pupille, par les bâtonnets des lumières et des ombres, par les courbes elliptiques de la sclérotique, ces lignes constituaient un dessin de géométrie tout à fait spécial, paraît-il, et dont le fou prétendait pouvoir tirer la détermination exacte d'un point...

Ici, malgré son désir d'être sec, l'aliéniste ne put s'empêcher de donner cours à une sorte d'émotion qui lui faisait la voix tremblante et le geste fébrile.

- Ce point, dit-il, serait l'emplacement, situé au Brésil, d'une ancienne cité, tout en or, aujourd'hui souterraine.

Il ajouta, en reprenant son calme :
- Vous voyez que cette idée est une des idées fréquentes dans le délire des grandeurs. Une cité tout en or, c'est absurde !
- Alors, dis-je, c'est cela, cette cité tout en or, qu'il vous reproche de lui voler ?
- C'est surtout le regard, répliqua vivement l'aliéniste.
- Je ne comprends pas, fis-je.

Il avait répliqué plus vite qu'il n'aurait voulu. Il fut obligé de m'expliquer ce qu'il avait laissé échapper ainsi.
- Eh ! oui, continua-t-il, le regard du portrait, le regard de ces yeux au si étrange dessin géométrique, ce regard qui est, à lui seul, un révélateur, en quelque sorte ; car il est d'un jaune verdâtre où il semble que vive l'âme même de l'or.

De nouveau la voix de l'aliéniste tremblait, et ses mains avaient des frissons. Dans ses yeux, à lui, aussi, passait cette âme de l'or. La lueur qui en jaillissait à ce moment me rappelait, je ne sais pourquoi, celle que j'avais vue, tout à l'heure, sur le point noir où semblait se refléter le regard du fou.

- Mais, demandai-je, comment lui avez-vous donc volé ce regard ?

D'une voix forte et méchante, il me répondit :
- En lacérant le portrait.
- Vous avez peut-être eu tort, dis-je. Si les yeux de ce portrait avaient une telle intensité de regard, si l'âme même de l'or, selon votre expression, vivait dans ce regard, un portrait pareil était une espèce de chef-d'oeuvre, et, en le lacérant, vous avez commis un véritable crime artistique.

Violemment, il s'écria :
- Le crime, c'était de laisser subsister ce portrait, ce regard, cet effroyable tentateur de regard. Car il y avait là, croyez-moi, dans ce regard, de quoi troubler non seulement un cerveau déjà faible d'homme voué à la paralysie générale, mais même une solide et saine raison. Je vous jure que, le dessin géométrique des yeux une fois constaté (et il était réel), l'emprise de ce regard devenait si forte...

Il cessa de parler. Il était tout pâle. On eût dit qu'il ne s'apercevait plus de ma présence, qu'il était ailleurs, qu'il voyait en imagination ce regard.

Brusquement, une aigre et précipitée sonnerie de timbre électrique le réveilla. En même temps, un gardien accourait le chercher, pour un pensionnaire en proie à une crise. Sans prendre le temps de me congédier, encore à demi en hypnose, l'aliéniste sortit, me laissant seul dans son bureau, dont la porte, d'ailleurs, resta ouverte.

J'étais dans une agitation intérieure qui me faisait mal.

Je me sentais comme attiré vers un tas de paperasses qu'un presse-papiers écrasait sur la table. Ce presse-papiers, bronze figurant un monstre chinois, semblait me défier de délivrer ces paperasses. Je le bousculai. J'éparpillai les feuilles qu'il tenait captives. J'y jetai les yeux, furtivement.

Elles étaient couvertes de dessins géométriques, d'équations, de calculs. J'y reconnus l'écriture de l'aliéniste.

Je continuai d'éparpiller les feuilles. Je les dispersai fiévreusement dans la chambre. Quelque chose, qui était sûrement enfoui sous le tas, me forçait à faire cela. J'arrivai enfin à ce quelque chose.

Je crus m'évanouir. Devant moi, un fragment de peinture, coupé avec des ciseaux dans une toile, me montrait une paire d'yeux, les yeux du portrait que l'aliéniste disait avoir lacéré, les yeux dardant le fameux regard, et ce regard, où vivait, en effet, l'âme même de l'or.

Certes, il avait volé le fou, il lui avait volé ce regard, dans la contemplation duquel il était, lui aussi, l'aliéniste, en train d'abîmer sa raison.

Oh ! ce regard, ce regard, ce regard !

Et je me suis sauvé, dans un ouragan d'épouvante, devant ce regard, que j'ai vu seulement, moi, le temps d'un éclair, pas davantage, et auquel, cependant, je ne puis jamais songer sans me dire :
- Qui sait si le fou était fou ?

cpa de damiette (medea)