lundi 9 février 2009

Médéa de 1830 à 1840



Durant ces dix années nombreux sont les chefs qui ont dormi dans le palais du bey : 3 beys, 1 représentant du sultan du Maroc, 1 marabout illuminé, 2 représentants d'Abd el-Kader et quelques généraux français de passage.

Les trois beys sont, par ordre d'arrivée, et de départ prématuré, les suivants :

Mustapha bou Mezrag de juillet à novembre 1830. En vérité ce dernier des 17 beys turcs était en poste depuis 1819. En juin 1830 il avait vaillamment combattu contre les Français débarqués à Sidi Ferruch ; à tel point qu'on lui avait confié le commandement de toutes les troupes à la place du titulaire, l'Agha Ibrahim. Les 25, 26, 27 et 28 juin il avait beaucoup gêné la progression des Français. Mais, de façon étonnante le 15 juillet il apposa son sceau sur un acte de soumission volontaire rédigé en arabe et qu'il envoya à de Bourmont. Il assurait " reconnaître le roi de France comme son souverain et seigneur, de lui être fidèle et de le servir contre tous ses ennemis ". En conséquence, rassuré malgré l'avertissement que lui avait donné le dey Hussein avant de s'embarquer pour Naples sur un bateau français " dans le Titteri, Bou Mezrag est turbulent et peu sûr ", de Bourmont l'investit comme bey au nom de la France. A la mi-août Bou Mezrag retourna son burnous et menaça de Bourmont de le chasser d'Alger ! C'est Clauzel, successeur de de Bourmont, qui prit la tête d'une colonne qui, par le col (tenia) de Mouzaïa vint chasser son bey et occuper Médéa. Bou Mezrag offrit au vainqueur, comme c'était l'usage, son cheval préféré. Clauzel garda le cheval et expédia Bou Mezrag en France où on le libéra avec interdiction de retourner en Algérie. Il se retira finalement à Smyrne. Mais ses fils, restés à Médéa, ne manquèrent de poursuivre la lutte quand ils le purent.

El Hadj Omar, dit aussi Ben Mourad de novembre 1830 à juin 1831. Il a été choisi par Clauzel pour remplacer Bou Mezrag. C'était un commerçant d'Alger prospère ; mais son savoir-faire de bonnes affaires ne lui fut d'aucune utilité dans sa nouvelle fonction. Malgré une petite garnison française, il était quasi prisonnier dans sa ville, car les tribus voisines, soulevées par les fils de Bou Mezrag, profitèrent de l'occasion pour refuser toute obéissance et tout paiement d'impôt. C'est le successeur de Clauzel, Berthezène, qui, fin juin 1831, monta une deuxième expédition par le tenia de Mouzaïa pour ramener à Alger la garnison française et Ben Mourad. Les tribus s'accommodèrent fort bien de ce retour à l'anarchie. Mais ce vide politique suscita des désirs de conquête, comme on le verra ci-dessous.

Mohammed ben Hussein durant une semaine en avril 1836. Clauzel, revenu à Alger pour un second séjour, alors que le Titteri était dirigé par un fidèle d'Abd el-Kader remonta à Médéa (c'est la troisième expédition) pour l'en déloger. Il partit de Boufarik le 30 mars, arriva à Médéa sans trop de mal, et en repartit le 4 avril en laissant le nouveau bey et quelques soldats. Mais, ayant trouvé à Alger, une instruction de Paris lui interdisant d'occuper tout nouveau centre dans l'intérieur, il rappela la garnison française le 7 avril. Une fois les Français repartis Ben Hussein se laissa voler (à moins d'un arrangement discret avec quelque envoyé d'Abd el-Kader) les 600 fusils, les 50 000 cartouches et les 6000 francs reçus de la France pour asseoir son pouvoir. Ben Hussein fut conduit à Mascara, auprès d'Abd el-Kader et libéré plus tard.

Les deux conquérants déçus sont le sultan du Maroc et le bey de Constantine.

Durant l'été 1831 c'est le sultan du Maroc Abd er-Rahman qui s'efforce de profiter de l'anarchie en envoyant ses cavaliers occuper, et Miliana, et Médéa où s'installent des représentants du pouvoir chérifien. Mais ils avaient du mal à se maintenir si loin de leur base. Une démonstration navale française devant Tanger (novembre 1831) et l'envoi d'une ambassade à Meknès en 1832 persuadèrent Abd er-Rahman de rappeler ses troupes.

Le bey de Constantine Ahmed est plus proche car, à cette époque il domine tout l'est algérien jusqu'au Hodna. Il aurait songé à s'étendre un peu plus vers l'ouest, en commençant par le Titteri. Il y eut quelques mouvements de troupes en 1833 ; mais elles ne parvinrent pas à occuper Médéa.

Le marabout " illuminé " est El Hadj Moussa ben Hassan. Il prend Médéa au début de 1835.

C'est un Egyptien qui s'est installé à Laghouat en 1829 et qui s'est affilié à la confrérie des
Derkaoua (de là son surnom El Derkaoui).
Il a bonne réputation car il aurait fait des miracles et son âne lui est tombé du ciel, offert, assure-t-il, par des Saints. Cet âne qu'il fait admirer devant sa tente, recouvert d'un riche tissu, lui vaut son deuxième surnom de
Bou Hammar (l'homme à l'âne).
Sûr de détenir la vérité et de bénéficier de l'aide d'Allah, il prêche la guerre sainte, à la fois contre les chrétiens et contre Abd el-Kader accusé d'impiété pour avoir signé des accords avec les Français (avec Desmichels le 26 février 1834). Il finit par inquiéter les Lemdani qui ne souhaitaient rien de semblable et finissent par solliciter l'aide du Gouverneur Français Drouet d'Erlon : en vain. C'est Abd el-Kader qui rapplique, qui bat les partisans de Bou Hammar et qui coupe 200 têtes pour l'exemple. Ce dernier réussit à quitter Médéa et se réfugia à Messaad d'où il sera chassé, en 1847, par le Général Marey-Monge. Il continuera la lutte contre les Français et mourra au siège de Zaâtcha en 1849

Les représentants d'Abd el-Kader sont les maîtres de Médéa du printemps 1835 au 17 mai 1840, à l'exception de la semaine d'avril 1836 marquée par l'épisode Mohamed ben Hussein. D'ailleurs durant cette semaine le Khalifa d'Abd el-Kader avait quitté la ville, mais tenait la campagne.

Le premier, qui avait accompagné Abd el-Kader, lors de sa lutte contre Bou Hammar, n'est resté que quelques mois. Je ne suis même pas sûr de son identité : sans doute un parent de l'Emir.

Le second, investi du titre et du burnous de Khalifa en août 1835, s'appelle El Berkani. D'août 1835 à mai 1837 El Berkani est, pour la France, un ennemi. Avec la signature par Bugeaud, alors commandant des troupes françaises à Oran, et Abd el-Kader, des accords de La Tafna (20 mai1837) El Berkani n'est plus un ennemi car l'article 3 de ces accords stipule " l'émir administrera la province d'Oran, celle du Titteri et une partie de celle d'Alger… ". S'installe ainsi une fausse paix mise à profit par Abd el-Kader pour organiser un véritable état divisé en 8 khalifaliks et y organiser quelques points forts. El Berkani à Médéa est le chef de l'un des trois 3 khalifaliks qui, avec Miliana et Hamza (Bouira), encerclent la Mitidja et pourraient menacer Alger. El Berkani fortifie Boghar, au sud de Médéa et y établit un arsenal. Cette fausse paix prit fin en novembre 1839 lorsqu' Abd el-Kader, ayant prévenu par lettre le nouveau Gouverneur Général Valée le 20 novembre, relance la guerre sainte et envoie ses troupes soutenir les Hadjoutes qui avaient commencé à ravager la Mitidja depuis une semaine déjà. Paris réagit en envoyant des renforts pour assurer la pérennité de la présence française. La prise de Médéa est la première victoire de cette guerre contre l'émir qui devait durer 8 ans.

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